
Témoin privilégié de l’écume qui se formait sous mes yeux, j’ai pris ces quelques clichés en ayant en tête cette chanson de Bashung : https://www.youtube.com/watch?v=tVOhIQm46JM
Alors ? Alors :
J’écume les mails, les contacts de galeries, médiathèques et autres lieux où mes tableaux pourraient se dorer la pilule. J’envoie par salve en prenant le risque de me mélanger les pinceaux. Ça m’est arrivé une fois sur les vingt-six derniers. Un bête copier/coller non relu, pas adapté à la bonne galerie. J’ai pensé à modifier l’en-tête, mais oublié le corps. Déjà que leurs agendas semblent blindés comme jamais, ce genre de bourde par inattention pourrait me coûter cher.
J’m’enrhume d’inaction sportive. Les résolutions de bouger mes fesses ont été happées par ma préférence pour la créativité et non par l’injonction de prêter attention à son corps. Il est lourd quand même celui-là : il ne pourrait pas s’entretenir tout seul, sans avoir à demander du cardio, de la transpiration, de la sueur et du musc.
J’écume les réseaux sociaux. À deux doigts de re-re-re-re-tenter l’expérience Instagram et au lendemain de l’amorce d’une décision définitive, cet abruti de Zuckerberg a mis genou à terre et prêté allégeance à Trump. Impossible de cautionner ça. Conscient que mon style de vie occidental fait de moi un prédateur d’énergie et de ressources en tout genre, tant que je peux conserver l’illusion de choisir et même si ce n’est qu’une goutte de morve dans un océan de vomi, je prends. Bon, rien d’étonnant non plus si on connaît un tant soit peu le personnage. Bon sang, mais il n’y avait pas un combat de coq en MMA qui devait être organisé entre lui et Musk à un moment ? Si seulement ils avaient pu s’entretuer jusqu’à la fin dans une cage, nous n’en serions peut-être pas là… si le tireur, au lieu de juste caresser une oreille, avait bel et bien tiré en pleine poire orangée de Trump non plus. Ah, bon sang avec tous ces si, on aurait de quoi reconstruire une société juste, respectueuse, équitable, écologique ET intelligente. Sinon le réseau social alternatif Mastodon m’a fait de l’œil, ça a duré un jour… je me suis revu scroller comme un porc, j’ai clôturé définitivement mon compte au bout d’un jour d’utilisation.
En parlant de porc (animal pour lequel j’ai énormément de respect et d’amour, à l’exception près qu’il m’arrive d’en manger, encore une dissociation cognitive !) : j’m’enrhume d’avoir pu rire de la mort de l’un d’entre eux (si, si, on peut quand il s’agit d’un raciste, fasciste, antisémite et négationniste), mais la joie fut de courte durée lorsqu’on assiste médusé.e à 2 saluts nazis en pleine investiture aux Etats-(dé)Unis. Savoir qu’en France 1/4 des votants seraient fachos (parait-il qu’il ne faut pas utiliser ce terme, ça serait dénigrant et méprisant, mais heuuuu, appelons un chat, un chat, non ?) ne me rassure pas plus. Est-ce les polluants éternels qui nous grillent complètement le cerveau ?
J’écume les détours et j’évite les risques de socialisation. Lorsque ma chienne me promène et que j’aperçois une silhouette au loin, je dévie en bon déviant pour fuir même le « bonjour » d’une tête connu ou pas. Trop de sollicitations dernièrement, pas de jus, juste envie d’être dans ma bulle. Et j’ai cette sensation de ne pas être le seul. Est-ce seulement les gauchos qui le sont lorsque les fachos font la danse du cul ?
J’m’enrhume au moindre souhait de « bonne année ». Comme si une année pouvait être bonne du début à la fin. Alors oui, je sais, ça part d’un bon sentiment, mais ces marronniers incessants et annuels me tapent sur les nerfs. Surtout qu’en plus les gens s’en contrefoutent que tu passes une bonne ou une mauvaise année. Un peu comme l’insupportable « salut, ça va ? ». Celui qui n’attend aucune réponse, sauf celle d’une neutralité crasse. Osez seulement répondre « non, bof, pas terrible » et savourez la réaction. D’ailleurs GiedRé a parfaitement résumé en une chanson le fond de ma pensée : https://www.youtube.com/watch?v=lntxBLKkEpM
J’écume les fonds de pots de peinture, j’ai raté deux fois de suite un dégradé de gris foncé à gris clair. Le deuxième parce qu’à court de noir. Réussi au niveau technique, mais le contraste n’y était pas. Tout à recommencer et attendre patiemment le livreur auréolé de sa divine couronne.
Je m’enrhume, oui, certes, nous avons eu une semaine de temps d’un bleu éclatant, mais j’aurais préféré qu’il le soit un peu moins et ne pas avoir le retour de bâton avec ce temps pourrite de chez pourrite.
J’écume par ce texte celles ou ceux susceptibles de m’exposer en désaccord avec mes positions politiques. Qu’à cela ne tienne, je préfère peu exposer, quitte à rester dans mon microcosme, que prendre le risque d’être confronté à la connerie humaine. Surtout si, comme moi, on est champion en catégorie poids gras sur les flancs de l’absence de répartie.
J’m’enrhume à force de pester et de râler. Mes défenses immunitaires en subissent les conséquences, mais c’est plus fort que moi, je ne comprends plus ce monde et il m’énèèèèèèrve.
Caresses et bises à l’œil.