Tableau “Ciel dégagé, mer agitée” de Fabien Trarieux, où l’intensité des vagues et la lumière du ciel se confrontent pour exprimer un équilibre fragile entre turbulence et clarté intérieure.

Attention, alerte, je divulgâche dans cet article les intentions artistiques de mon tableau « Ciel dégagé, mer agitée ». Si vous préférez savourer (ou pas) pleinement l’œuvre et ne pas avoir votre ressenti influencé, ne le lisez tout simplement pas. No soucaille, droit que je respecte entièrement.

Dans un livre pour enfants, une illustratrice avait dessiné des vagues que j’avais prises en photo. Dès que j’ai posé mon regard dessus, je savais que j’allais m’en inspirer. En travaillant sur ce tableau, je me suis rendu compte que l’image n’était plus dans mes fichiers. Lors d’un nettoyage que je réalise comme à mon accoutumée, j’ai dû la mettre dans la corbeille de mon téléphone intelligent. J’ai certainement pensé qu’au final, elle ne me servirait pas. Alors je les ai travaillées avec ce qu’il me restait en mémoire, tout en les adaptant à mes envies et au style désiré. Si je devais retomber par hasard sur ce livre, ce qui est peu probable vu les innombrables emprunts pour notre fille à la médiathèque, je me constaterais très probablement qu’il ne reste plus rien, graphiquement parlant, de cette illustration initiale.

Le titre est arrivé avant les esquisses. Elles ont été réalisées sur tablette avec un logiciel de dessin qui gère les calques. Sacrément pratique : pas de papier qui trainent partout, je peux me caler n’importe où dans la maison et ne plus avoir à me geler sur place dans le garage. Cet outil numérique offre la possibilité de faire autant d’essais et d’esquisses que nécessaire. J’ai pu y travailler les formes, jouer sur les couleurs pour les modéliser en fonction de ce que j’avais en tête.

Comme pour tous mes précédent tableaux, les détails n’ont pas été réalisés à cette étape. Je les garde en improvisation, tout en les mûrissant dans ma petite cervelle. Pour la première fois, j’ai utilisé un vidéoprojecteur déniché sur un site d’occasion. De mes esquisses numériques achevées, j’ai projeté l’image des tracés sur le support préparé en amont, à savoir une plaque d’isorel 88,5 cm x 58 cm recouverte d’une couche de blanc et renforcée à l’arrière par des tasseaux en bois. J’ai pu ainsi recopier au crayon gris l’exacte copie de ce que j’avais réalisé sur ma tablette.

A partir du modèle imprimé avec formes et couleurs sur une feuille A4, j’ai créé mes mélanges de couleurs. Une fois cette opération terminée, il ne me reste plus qu’à peindre au pinceau les deux à trois couches nécessaires à chaque forme du fond pour obtenir une homogénéité dans mes aplats. Les coups de pinceaux doivent être étirés au maximum pour que le support soit le plus lisse et permettre une application des détails aux feutres acryliques sans le moindre accroc. J’évite ainsi les minuscules explosions de particules d’encre ou les dérapages incontrôlés du feutre causés par une irrégularité du fond. 

Pour le ciel, mon intention était de jouer sur le côté explosif des rayons du soleil grâce aux cercles concentriques. Je voulais qu’ils éclatent de teintes jaunes, oranges et rouges afin d’en accentuer la sensation de chaleur. Inversement, la mer devait, malgré les rondeurs des vagues, être plus glaciale grâce aux quatre teintes de bleu. Le fracas de l’eau contre les parois des rochers mettent en scène une agitation opposée à la luminosité du ciel.

C’est ensuite avec les détails aux feutres que le tableau prend tout son sens selon moi. Ils permettent de jouer sur les teintes des couleurs de chaque partie du tableau. Pour le ciel, il s’agissait de bannir les formes arrondies. Un jeu sur des traits droits ou anguleux et l’ajout d’une multitude de points en lien avec ceux que nous percevons en le fixant à s’en brûler la rétine. Pour les rochers, j’ai ajouté des courbes qui peuvent rappeler les empreintes digitales, quant aux vagues, j’ai écouté, en partie, mon Amoureuse : elle me conseillait de les laisser vierges de détails afin d’ajouter un contraste plus fort entre le ciel et le reste. Mais j’aime tellement la surcharge de ce genre de détails, tant à les réaliser qu’à les observer, que je n’ai pas su résister à la tentation d’y ajouter une multitudes de pointillés en guise d’écume. Comme le reflet du scintillement du soleil sur la mer, pour de vrai.

Suite logique de mon dernier tableau « Sortir du trou », « Ciel dégagé, mer agitée » expose l’état actuel de mes humeurs. C’est un fait : je vais mieux. Comme dit ma thérapeute, je gère. Mes angoisses sont sous contrôle chimique et j’ai appris le juste recul pour éviter qu’elles ne me débordent. J’avance à grands pas sur de tas de blocages qui me freinaient auparavant. Plusieurs évolutions ont progressivement fait leur petit bout de chemin récemment que je n’aurais pas imaginées possibles. 

Premièrement, et ce n’est pas rien : je suis officiellement artiste-auteur. Pas un truc bancal d’auto-entrepreneur (sans vouloir dévaloriser ce statut). C’est juste qu’il ne peut correspondre légalement à une activité artistique), mais LE statut qui claque et définit réellement ce que je suis profondément. En a découlé quelques démarchages encore timides pour trouver des lieux d’expositions. Je confesse ne pas être encore le plus à l’aise dans le rôle du commercial, mais jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas encore d’agent artistique. Et en toute franchise, si mes revenus me le permettaient, je ne ferais que peindre sans me casser la tête à exposer. Ce tableau te plait ? T’as une bonne tête ? Ok, voilà, cadeau, tu peux repartir avec. Une petite photo avant que je puisse en garder une trace numérique et merci, au revoir, je retourne dans mon atelier. 

Ensuite, ça n’a pas fait la une des journaux nationaux et pourtant, j’ai réussi à me socialiser lors d’un mariage d’ami.e.s sans boire une goutte d’alcool, sans snifer la moindre poudre blanche et sans aspirer une once de fumée d’herbe, tabac ou vape. Bon, à minuit j’étais au lit au moment où les années 80 m’explosaient les tympans. Il n’empêche que malgré le monde, j’ai pu avoir quelques interactions sociales agréables, ce qui m’était impossible jusqu’à maintenant à moins d’être dans un état second.

En troisième lieu, en toute humilité et même si j’ai encore beaucoup de chemin à faire, j’ai l’agréable sensation d’être la meilleure version de moi-même. Cette affirmation peut paraître extrêmement prétentieux, mais je peux vous assurer que réussir à éprouver un sentiment positif envers ma personne n’était ps gagné jusqu’à maintenant. Il m’aura fallu 46 ans pour en arriver là, de nombreuses chutes et rechutes. Honnêtement, je ne pensais pas exister toujours au moment où j’écris ces lignes. Que du positif, et j’apprends à le savourer un peu plus chaque jour.

Et pour finir cette simili liste non exhaustive, lorsque l’anxiété et la dépression prennent trop le dessus, j’arrive à fournir un service minimum ce qui était loin d’être le cas jusqu’à récemment.

Après, j’ai appris à ne pas crier victoire trop vite. La vigilance reste de mise, et je suis surtout dans une situation grâce à mon Allocation Adulte Handicapée, qui me permet et m’assure cette quiétude fragile.

Raison pour laquelle, la mer reste agitée et vient encore se fracasser contre la roche dure, mais friable. Mes troubles de l’humeur, certes pas/plus au point de me faire interner, restent et seront toujours présents. À surveiller comme le riz avec un couvercle sur le feu. J’ai réussi à éloigner mes dépendances tout en sachant pertinemment qu’il me faudra toujours être vigilant. Un simple petit grain de sable dans les rouages est capable de me laisser tenter par un apaisement artificiel aussi fugace qu’illusoire, mais ô combien incontrôlable si je le laisse s’immiscer. Je fais encore partie de la catégorie des gens qui perçoivent le verre à moitié vide, s’en défaire est une vraie tannée.

Voilà l’histoire, l’objectif et les intentions de ce tableau. Alors, comme d’habitude, nous sommes bien d’accord : c’est mon interprétation. Forcément des choses m’échappent. Il va de soi que vous, public, avez entièrement le droit à une toute autre grille de lecture et loin de moi l’envie de vous prouver par A + B que vous avez tord. Bien au contraire 😉

Caresses et bécots à l’œil.