Barreaux de fer rouillés pointant vers un ciel bleu intense, photographiés en contre-plongée.

Pour une activité d’amateur ou de professionnel, Instagram passe pour incontournable. Il permet de mettre en avant son travail dans cette jungle numérique infinie et de potentiellement nouer des liens avec d’autres artistes, des lieux d’exposition voire de finaliser une vente.

Depuis que j’ai officialisé symboliquement mon statut en m’affiliant à la Maison des Artistes, je me suis régulièrement posé la question d’y retourner. Sans cacher le fait que cela soit purement et simplement intéressé. Avec une once d’exagération, j’ai autant fait de tentatives d’arrêter de fumer que de supprimer mes comptes Instagram et Facebook réunis. Inutile de se voiler la face : mon site internet, étant parfaitement inconnu du grand comme du petit public, est bien loin d’exploser la bande passante de mon hébergeur web.

Lors de ma première exposition à Rad’Art en 2024 (https://fabientrarieux.art/blog/retour-dexperience-radart-2024/), j’ai été étonné de constater le nombre de fois où Benoît avec qui je partageais le lieu, avait eu des interactions avec des personnes qu’il côtoyait numériquement via le réseau social précité.

Conscient de ma fragilité et de ma nature sensible aux addictions, je me suis convaincu de continuer, contre tentations et impulsions, à publier uniquement sur mon site internet classique. Et puis, un constat m’a sauté au visage : mon activité artistique ne m’apporte rien sur le plan financier, si ce n’est des dépenses. Entre les pots de peinture, les feutres, les pinceaux, les supports, l’hébergement internet et le nom de domaine, les déplacements pour les expositions et j’en passe. Rien ne rentre… Il ne reste évidemment que le délicieux plaisir de pouvoir créer. Heureusement.

J’ai beau percevoir une AAH (Allocation Adulte Handicapé) du fait de ma bipolarité (que le premier qui m’assène que c’est un privilège prenne mon handicap), cumulée au salaire à peine plus élevé de mon épouse et aux aides de la CAF, nous sommes pourtant catégorisés comme précaires avec nos deux enfants à la maison selon les barèmes de l’INSEE.

Pas de « ouin-ouin-ouin » misérabiliste, un simple constat. Nous avons toujours de quoi manger à notre faim, un toit sur la tête et tous ces conforts d’Occidentaux qui ont la désinvolture de ceux pour qui ça va encore. Il y a toujours pire. 

« I have a dream » : ne plus être dépendant des aides de l’état, vivre de mon art modestement, juste ce qu’il faut pour ne pas avoir à serrer les fesses en milieu ou fin de mois.

Ne plus avoir à prier que la bagnole ne tombe pas en panne, arrêter de scruter obsessionnellement le compte en banque pour être sûr de ne pas dépasser la barre du zéro, ne plus racler les fonds des tiroirs et des placards lorsqu’on s’en approche, permettre à mes enfants d’accéder aux études qu’iels souhaitent, et aller jusqu’au luxe de pouvoir les dépanner financièrement lorsque les plus grands sont en galère.

Face à la création de richesse au niveau planétaire que nous connaissons actuellement, il me semblerait que ce soit la moindre des choses pour tout un chacun. Quel que soit notre niveau de vie, nos revenus et notre nationalité : pouvoir vivre pleinement dans un environnement sain, se nourrir avec des aliments de qualité, accéder à une éducation et à une culture digne de ce nom durant toute notre existence, avoir la liberté de ses choix de vie, d’orientation sexuelle, et que celle-ci soit respectée, à condition qu’elle n’empiète pas sur celle des autres (la liberté, j’entends).

Je ne comprends pas ce qui m’a pris. Il y a quelques jours, pour avoir accès au travail d’une personne avec qui je vais exposer en octobre, j’ai profité de cette excuse bidon pour créer à nouveau un compte sur Instagram. Installer l’application sur ma tablette plutôt que sur mon smartphone m’a semblé être un bon garde-fou… Mais l’araignée avait déjà commencé à tisser sournoisement sa toile.

Grosse araignée brune posée sur une surface turquoise écaillée, photographiée de dessus.

C’était encore bien mal me connaître, ou une occasion d’en apprendre un peu plus. Je ne sais encore comment l’interpréter.

J’ai posté quelques courts articles. ChatounetGPT m’a permis d’optimiser les textes que je lui soumettais pour correspondre à la plateforme et m’a proposé une série de hashtags.

Ma grande fille, tout en se moquant gentiment de mon incompétence numérique sur le sujet, m’a aidé à comprendre le fonctionnement de ces foutues stories. 

Très (trop) rapidement, je me suis fait happer.

Malgré les rappels d’un calendrier pour poster tel jour à telle heure et éviter d’y traîner mes guêtres, j’ai vite cédé à la tentation de scroller inutilement, même si de nombreux posts attisaient ma curiosité.

Comment apprendre et retenir quoi que ce soit avec mon petit cerveau face à ce flux incessant d’informations ?

La dissonance cognitive dans laquelle nous nous retrouvons quasiment tous, m’a alors encore plus explosé à la figure.

J’ai été (up)percuté par l’omniprésence de mes sœurs et frères de pensées Gauchistes / Féministes / Wooks / Queers / lgbtqia+ / Rêveurs·euses / Marginales·aux / Feignant·e·s / Fous·lles, toutes·tes de cultures et d’origines riches et diverses (et j’en oublie) et de leur sur-production d’images, de vidéos, de textes qui soutiennent de justes et honorables causes… 

Là n’est pas le problème.

Tous·tes dénonçons l’ultra-libéralisme, le capitalisme, le patriarcat, la guerre, la normalisation, le communautarisme, mais… sur une application du groupe Meta détenu par Zuckerberg, personnage à très fort potentiel de nuisance démocratique et d’opportunisme mercantile.

Nous avons tous conscience de l’adage « si c’est gratuit, c’est toi le produit ». En cochant la petite case pour utiliser Instagram, nous acceptons que nos publications deviennent la propriété de cette multinationale. Et cerise sur le gâteau, nous lui servons d’entraîneurs bénévoles pour son intelligence artificielle maison.

Donc, pour résumer : des serveurs qui tournent à pleine puissance H24 autant pour le stockage de nos données que pour l’alimentation de l’IA interne à cette société privée, une absence totale de redistribution des richesses à l’échelle planétaire, des informations spoliées, du contenu très souvent WTF, de la publicité qui nous incite à la surconsommation, des données personnelles monétisées de manière opaque, et du temps perdu pour des milliards d’êtres humains qui publient / scrollent / aiment / comparent…

Les bras m’en tombent.

Soyons bien d’accord. Je ne me positionne nullement en père la morale, n’étant absolument pas irréprochable (et quand bien même). J’enfonce des portes ouvertes sans l’ombre d’un doute.

À défaut d’entraîner l’IA de notre cher Marko (et encore, rien ne me le garantit à 100%), j’enrichis celle de Sam-Sam en ayant l’affront suprême et suffisamment teubé pour employer des formules de politesse lorsque je « converse » avec ce robot LLM.

Mon téléphone et ma tablette sont de la marque à la pomme, certaines de mes données numériques sont sur des serveurs externes à mon domicile, trois abonnements téléphoniques mobiles sur quatre personnes présentes dans notre foyer et box avec la fibre…

Mais je soulève des questions présentes dans la quasi totalité des têtes pensantes de mes biens chères sœurs et frères.

La dichotomie dans laquelle nous nous retrouvons indépendamment de notre volonté, me laisse perplexe.

Ma première erreur a été d’ouvrir ce compte au moment où je diminuais mes anxiolytiques. Pas d’affolements, c’était convenu avec mon psychiatre.

Il m’a mis une petite flippette en m’apprenant que les effets secondaires de cette benzodiazépine, prise sur du long terme, pouvaient entraîner une augmentation du risque de démence et d’Alzheimer. 

Sans l’ombre d’une hésitation, j’opte pour la cohérence cardiaque, le sport, une vie saine (autant que mes hauts et mes bas me le permettent) et une surveillance accrue de mes fluctuations d’humeurs. Et si l’anxiété me déborde, il me suffira de prendre un cachet au besoin pour la calmer. 

Fort heureusement, pas de frayeur concernant les effets secondaires sur mon thymorégulateur, on n’y touche pas et cela me convient parfaitement.

Bref, un demi-cachet en moins et elle a ressurgi avec une latence d’une semaine. La traîtresse.

Instagram n’a rien fait pour adoucir l’absence d’une demi-pilule bleue.

Boîte en carton contenant un mélange de comprimés : petits cachets ronds gris-bleutés, gélules oblongues orange et gros comprimés ovales roses, posée sur une table noire tachée de peinture blanche.

Mon Amoureuse avait déjà remarqué que je trainais beaucoup plus sur ma tablette et zonais plus sur l’application. Le cerveau focalisé sur le thème ou le média que j’allais pouvoir publier dans deux jours, me transformait sournoisement en fantôme.

L’oppression montait doucement, mais dangereusement.

Un échange sur le sujet avec elle toujours accompagnée de sa sagesse légendaire et j’ai désinstallé le réseau social de ma tablette.

J’ai pris garde à limiter mon impulsivité légendaire en ne supprimant pas le compte immédiatement.

Juste un court post pour expliquer les raisons de mon absence avant de clôturer, ou pas, cette brève apparition numérique menée tambour battant… sur une très faible distance.

À ma droite, nous avons une application qui pourrait (avec un énoOorme conditionnel) me permettre une meilleure visibilité de ma production picturale, à condition d’y accorder énormément de temps et d’en maîtriser les codes.

Son risque majeur représente un risque non négligeable pour ma santé mentale. Quand, même dans la vraie vie, je n’ai pas toujours les codes pour une survie en milieux social. Et, tout de même, ça me fait mal aux fesses de bosser sans une once de rémunération pour un milliardaire qui me permet d’utiliser un produit de « sa » fabrication où les dés sont faussés.

L’entreprise qui la détient et l’homme qui est à sa tête représentent tout ce que je ne comprends pas dans notre monde actuel. Lui et une poignée de ses semblables… Serais-je différent à leur place ? L’avenir semble tracé de la sorte pour que je ne puisse jamais répondre à cette question.

Certes, le support est gratuit, mais je suis limité sur le nombre de caractères des textes que je poste, je peux y être censuré et à la merci d’un algorithme dont le code est aussi jalousement gardé que la recette de purée de piments du père de ma thérapeute préférée.

À ma gauche, ce site internet me coûte 110 euros par an, hébergement et nom de domaine compris.

J’y ai une totale liberté, je peux pondre un texte de 10 pages si ça me chante, décider d’en changer totalement l’aspect sur un coup de tête, ne pas y mettre de publicité et un jour pouvoir le paramétrer en boutique en ligne pour mes tableaux.

Seulement, il totalise moins d’abonné·e·s que sur Instagram en six jours d’adhésion… alors qu’il existe depuis plus d’un an et qu’il me demande un travail de dingue.

Ou alors, méthode de chacal / creuvard sur laquelle j’ai cogité : je garde les deux. Le site en principal vecteur et Insta où je poste juste des résumés de mes articles du blog, sans la pression de publications régulières.

Il se peut aussi qu’excédé par les petites concessions du quotidien qui s’accumulent au point de s’agglomérer en un gros tas de crotte, dans un élan de ras-le-bol, j’accepte de m’aligner au moins sur une chose : ne pas rester dans ce cirque médiatique des réseaux sociaux et envoyer bouler une énième fois Meta. Ma décision risquera très certainement de faire vaciller le CAC40 et Wall Street, mais j’en assumerai les conséquences.

Durant la rédaction de cet article, j’ai craqué. Je suis retourné discrètement sur Instagram, car je voulais vérifier que Gabrielle Filteau-Chiba y soit. Mon dernier tableau est très fortement influencé par son roman « Bivouac » et je tiens à l’en remercier… Je crains que sa présence influence mon choix et que j’opte pour l’option à ma droite. Il en faut peu pour renier ses idéaux.

Et vous, qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à me donner votre avis dans les commentaires et à liker ma page…

Krrkrrkrr meuuuuh non, je plaisante, je me fous de vos commentaires ! Vous êtes libres de vos choix et de vos opinions. Quand même. Vous alliez aussi croire que j’allais vous demander de vous abonner à ma chaine YouTube (je n’en ai pas) ? Et puis quoi encore ? De me retrouver sur TikTok (je n’ai pas non plus) ?

Caresses et bises à l’œil.