« Portrait de paysage maritime » n’a pas de date plus précise que 2022, contrairement à mes autres tableaux. Ma mémoire me joue parfois des tours, mais chronologiquement, il se situerait entre « Celle qui mettra tout le monde d’accord » et « Chouette Post Covid ».
Géographiquement parlant, mon cœur a toujours penché en faveur des terres, des forêts, et de l’isolement que ces lieux offrent. Par amour, j’ai accepté de me rapprocher de l’océan, car c’était le rêve d’enfance de mon épouse. Il aurait été indécent de refuser cette situation, au regard de notre cadre de vie actuel, avec un rapport environnement/loyer mensuel des plus avantageux. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les basses saisons qui sont les plus dures à supporter. Être loin de tout sur notre presqu’île, à l’abri dans notre chez-nous, témoins directs des tempêtes et des pluies incessantes, me convient souvent à ravir. Le plus difficile reste, depuis trois ans que nous vivons dans ce village, l’affluence touristique estivale. Elle engendre un vacarme de claquettes, un nombre croissant de véhicules, des cris sur les plages, des déchets florissant pire que des mauvaises herbes, et l’obligation de calquer mes heures de déambulations pédestres sur celles où je suis certain de croiser le moins possible de représentants de l’espèce humaine. Ainsi, je peste chaque année contre les touristes et les résidences secondaires, sans réussir à trouver une juste solution politique et sociale qui pourrait convenir à tout le monde. Je comprends qu’une majeure partie des commerçants compte sur cette période pour réaliser une bonne partie de leur chiffre d’affaires. Tout comme je compatis avec le besoin de se retrouver au bord de l’océan pour des vacances bien méritées après avoir trimé toute l’année. Remercions ces vacanciers dont la présence dans les campings permet, par le chiffre d’affaires qu’ils génèrent, d’assurer quelques investissements indispensables dans les infrastructures de base de notre commune : école, bibliothèque, entretien de la voirie, etc. Je crains cependant qu’il serait difficilement supportable de savoir habitées continuellement toutes ces résidences dont les volets sont fermés les trois quarts de l’année. À défaut d’idée lumineuse, je serre les dents pendant les mois de juillet et d’août, devenant un insupportable grognon par moments, au grand dam de ma compagne et de mes proches. Heureusement, en cette fin de mois d’août, les résidences secondaires ferment à nouveau leurs volets, les campings se vident à la vitesse de l’éclair, et le niveau sonore ambiant devient plus supportable pour mes oreilles délicates.
Malgré tout, j’ai fini par me laisser charmer par ce paysage maritime. Les teintes de l’horizon changent en fonction de la température de l’air et de l’eau ; la présence des nuages et du soleil influence la couleur de l’océan, qui n’a jamais le même bleu. Les marées découvrent ou engloutissent un nouveau paysage chaque jour, sans parler de sa faune et de sa flore. La verdure du centre Bretagne me manque encore, surtout en été, mais notre lieu de résidence, unique en son genre, régale mes yeux.
Ce tableau est un hommage au littoral breton, à ces couleurs constamment changeantes, influencées par un soleil et des nuages aux humeurs aussi aléatoires et imprévisibles que les miennes. J’ai tenté de souligner, par la même occasion, l’indomptabilité de l’océan et l’immobilisme des rochers qui en prennent plein le minéral lors des moindres r’mous moux (https://www.youtube.com/watch?v=nfrwohMZtJo). Comme il s’agit du portrait d’une entité à part entière, le format ne pouvait être en paysage, d’où le titre.
Sauf erreur de ma part, c’est la deuxième toile où j’ai mixé un style plus réaliste avec les motifs des mandalalas. Tout ce que mes yeux perçoivent côté océan lors de mes promenades se trouve dans ce tableau : le soleil et ses rayons éblouissants quand il est visible, les nuages et les formes différentes qu’ils déploient à chaque instant, l’océan avec ses innombrables nuances de bleu, ses vagues lancinantes ou fracassantes, et les rochers dont l’imbrication d’apparence anarchique reste mystérieuse et admirable pour mes connaissances inexistantes en tectonique des plaques.
Certes, « mes racines se trouvent dans la forêt », mais le parallèle entre mes tourbillons intérieurs et mes humeurs troubles est plus en adéquation avec les éléments du littoral breton. Ce tableau porte donc une double signification, avec encore (oui, je sais, désolé, ça peut paraître lassant) ce parallèle entre cette nature indomptable et mes troubles de l’humeur parfois difficiles à surmonter.
Comme pour tous mes tableaux, j’y ai passé environ un mois de travail. En décousu, avec des périodes où je pouvais y consacrer plusieurs heures, et d’autres rien. Mes créations, lors de leur conception, sont perpétuellement dans mes pensées, à la limite du mode monomaniaque. J’évite de trop aborder le sujet pour ne pas épuiser mon épouse, bien qu’elle sente que je ne suis pas toujours présent. Pendant tout ce temps, je conserve des sentiments ambivalents : tiraillé entre ce réel plaisir qu’est de peindre, d’être dans ma bulle créative, et une tension extrême intérieure de ne pas réussir à créer ce que j’ai en tête. Même si le résultat n’est jamais à l’image de mes intentions, du fait que je laisse une grande place au dessin intuitif, un grand soulagement m’envahit une fois le tableau terminé… jusqu’au suivant.
En voici le descriptif :
• Titre : « Portrait de paysage maritime »
• Date : décembre (?) 2022
• Technique : acrylique sur isorel de 5 mm d’épaisseur sur châssis en bois
• Dimensions : 98 x 58 cm
Après avoir couvert l’isorel de blanc en guise de couche d’apprêt, j’ai tracé les formes au crayon gris, à partir d’une rapide ébauche sur une feuille de papier. L’avantage d’avoir des pensées obsessionnelles est que mon cerveau a déjà prémâché une bonne partie du travail en amont. J’ai ensuite réalisé plusieurs mélanges de couleurs en dissociant les parties nuages, soleil, océan et rocher. Je peux ainsi les modifier pour créer une osmose qui correspond au plus près à mes attentes. Leur application se fait au pinceau, et cette étape est l’une des plus méditatives. Plusieurs couches sont nécessaires, mais le but du jeu est de se concentrer au maximum afin de ne pas empiéter sur les couleurs précédemment tracées.
Une fois toutes les teintes posées, je m’attelle alors à l’intégration des motifs aux feutres acryliques. À défaut de leur donner une signification en lien direct avec le sujet, je m’efforce à ce qu’ils aient tous un certain esthétisme. Ils peuvent soit homogénéiser l’ensemble, soit provoquer des dissonances visuelles que j’affectionne tout particulièrement.
Depuis quelques semaines, un tableau qui rendra hommage aux arbres et à la forêt se dessine dans ma tête. Je ne saurais dire ni quand, ni comment il se présentera, mais il se construit progressivement dans les quelques neurones qu’il me reste.
Caresses et bises à l’œil.